Chronique de Malo Gaudry, président de BETCFullsix et CEO Ekino, publié le 9 novembre 2022.
Il convient de dénicher de nouvelles solutions pour pallier le problème que rencontrent toutes les entreprises : le recrutement des talents IT.
C’est un phénomène mondial qui touche pratiquement toutes les entreprises. En effet, avec la place grandissante du numérique dans la vie quotidienne de milliards de gens, la pénurie d’experts du numérique est devenue un sujet d’angoisse pour les directions des ressources humaines. Selon Numéum, le principal syndicat professionnel du Numérique en France, il manquerait près de 10.000 ingénieurs informatiques sur le marché français. De plus, en 1997, le cabinet de consulting McKinsey publiait déjà l’étude au nom annonciateur “The War for Talent”.
Selon leur analyse, les entreprises allaient affronter une “guerre sans limites” pour attirer les talents du numérique. Le même cabinet prophétisait qu’en 2030, il manquerait 40 millions de talents pour répondre à la demande du marché mondial.
Alors, comment faire ? Aujourd’hui, les entreprises se livrent une bataille sans merci pour attirer ces profils : surenchères salariales, avantages, expérience employé… Les recruteurs rivalisent d’ingéniosité, et pourtant, cette surenchère permanente n’est pas une solution viable à long terme. Or, si nous ne travaillons pas pour augmenter le nombre de talents sur ce marché, les entreprises iront les chercher ailleurs, et à l’échelle de la France, nous aurons manqué une opportunité.
Arrêtons de chercher le mouton à cinq pattes
En tant que patron d’un groupe qui aide les entreprises à réaliser leur transformation numérique, j’ai vu ce problème émerger il y a plus de 10 ans, et je vois le phénomène s’amplifier chaque année. À la question de la quantité, s’est ajoutée celle de la qualité ; pour les candidats, comme pour les entreprises.
Pour les entreprises, il ne suffit pas de trouver les candidats ayant les compétences intellectuelles et techniques requises (QI, hard skills, etc.), il faut également qu’ils aient les compétences relationnelles idoines (quotient émotionnel, softs skills, etc.). Pour un groupe comme le nôtre, cela signifie à la fois nous assurer que nos talents aient un très bon niveau d’expertise, et en même temps identifier des personnalités qui s’accordent avec les équipes du client. D’expérience, nous savons tous que les projets qui fonctionnent le mieux sont ceux où les gens communiquent bien ensemble, où il y a une bonne entente entre les équipes. Le problème est que nous sommes sur un marché en pénurie, où tout le monde cherche un mouton à cinq pattes…Il est temps d’adopter une autre vision de ce marché.
Changeons de paradigme
On lit beaucoup que la génération Z serait désengagée, mais c’est tout le contraire ! Les candidats veulent désormais travailler pour une entreprise à minima consciente de son impact (cf. Pour un réveil écologique) et celles qui sont actives (certifications ISO14001, GreatPlacetoWork, Bcorp …) ont un réel avantage réputationnel. Ils recherchent aussi un meilleur équilibre de vie, ainsi qu’une relation apaisée et intègre avec leur employeur. Des études récentes (cf. Hellowork et Diplomeo) le montrent. Outre la localisation et la rémunération qui sont les premiers critères pour choisir leur prochain job, les talents privilégient désormais les entreprises qui prônent des valeurs qui leur sont proches. Mais gare aux entreprises qui ne joindraient pas le geste à la parole ! Qu’il s’agisse de lutte contre les discriminations, les inégalités, pour l’égalité homme-femme, ou encore d’actions en faveur du développement durable, les candidats attendent de leur futur employeur qu’il s’engage sincèrement et ait un impact positif sur la société.
La bonne nouvelle, c’est que dans tous ces éléments, il y a une cohérence profonde avec ce qui est à l’œuvre dans la société, et des pistes concrètes pour améliorer la situation sur le marché des talents.
Engageons notre responsabilité sociétale
Collectivement, face à l’urgence de la transformation numérique, nous avons tendance à privilégier les solutions courts-termes, ce qui nous conduit à nous battre sur les mêmes profils (déjà seniors). La conséquence est que nous ne créons pas suffisamment de talents pour répondre aux besoins exponentiels de la filière, tant en termes de quantité qu’en termes de qualité. C’est ensemble que nous devons trouver des solutions viables qui permettraient à la fois de répondre aux besoins du marché, mais également aux attentes des talents.
Permettre aux personnes issues de milieux ou de pays stigmatisés de se former est un véritable outil contre les inégalités et les discriminations. Outre la valeur humaniste évidente, cela ouvre un réservoir de talents sur des métiers en pénurie. Promouvoir dans le cursus scolaire dès le second degré, les filières scientifiques auprès des jeunes femmes permet de combattre les clichés encore tenaces. Et c’est une autre source de talents encore inexploitée. Enfin, en mettant en place des actions concrètes pour le développement durable, les entreprises seront non seulement en phase avec la nécessaire transformation écologique de notre société, mais feront une vraie différence pour attirer les candidats.
Il existe déjà de très belles initiatives comme Simplon, wildcodeschool, femmesdigitales, techfugees, mais il reste tant à faire… Au-delà de la responsabilité sociétale des entreprises, nous avons une responsabilité sociale envers nos talents. Et cela passe notamment par la garantie de leur bien-être et leur formation.
Pour conclure, donnons du sens
Le salaire n’est plus le seul critère de décision. En 2017, l’enquête de Jobi Joba soulignait que 51,3% des candidats choisissaient leur entreprise pour les valeurs partagées. Aujourd’hui, selon Hello Work, ce taux atteint 68%. Les talents d’aujourd’hui recherchent plus de sens dans leurs projets. Ils veulent que leurs missions apportent quelque chose de concret à la société. Nous sommes peut-être devant le plus grand défi de la transformation numérique, les salariés aspirent à s’engager dans leurs actions auprès d’entreprises qui contribuent positivement au monde dans lequel nous vivons.
Pour finir, je n’ai pas de solutions miracle pour pallier ce problème de pénurie et de guerre des talents. Mais je pense que collectivement, nous pouvons réfléchir à une nouvelle relation entre les clients, leurs partenaires, les écoles et les talents. Une relation qui permettrait de mettre la montée en compétences, le développement personnel et professionnel des talents ainsi que leur qualité de vie au même niveau que la qualité des projets qu’on leur demande de délivrer.